Un essai de thérapie génique efficace et sûre pour les patients atteints d’anémie de Fanconi
L’anémie de Fanconi (AF) est un syndrome héréditaire rare, caractérisé par le développement précoce d’insuffisance médullaire et une prédisposition accrue au cancer. Malheureusement, le seul traitement curatif connu, la transplantation de cellules souches hématopoïétiques (CSH) issues de donneurs sains, s’accompagne de son lot de complications. En outre, étant donné que peu de patients atteints de AF disposent un donneur histocompatible, les chercheurs privilégient le traitement par correction génétique de CSH autologues pour les patients du groupe FA-A (les patients de ce groupe présentent des mutations du gène FANCA, le gène le plus fréquemment concerné). «Bien que prometteuses, les avancées relatives à ce traitement ont été limitées», explique le Dr Juan Bueren, chercheur du projet EuroFancoLen (Phase I/II Gene Therapy Trial of Fanconi anemia patients with a new Orphan Drug consisting of a lentiviral vector carrying the FANCA gene: A Coordinated International Action), financé par l’UE. «Cela est surtout dû au fait qu’il soit difficile de prélever un nombre suffisant de CSH à partir de la moelle osseuse des patients atteints d’AF, mais également à la correction ex vivo des défauts génétiques des CSH d’AF, qui sont très fragiles.» C’est dans ce contexte que les chercheurs du projet EuroFancoLen ont entrepris de mettre en place un essai de thérapie génique efficace et sûre pour les patients atteints d’AF. Une approche innovante Pendant le projet, plus de 70 diagnostics mutationnels et génétiques ont été posés auprès de patients atteints d’AF. Ces diagnostics comprennent le séquençage complet de l’exome et, en cas de mutations avec une signification clinique inconnue, des études fonctionnelles supplémentaires. «Notre objectif consistait à prouver la sûreté et l’efficacité de l’utilisation de thérapie génique avec des vecteurs lentiviraux, une approche totalement innovante pour traiter les patients du groupe FA-A», explique le Dr Bueren. À partir de ces essais cliniques, le projet a d’abord démontré la possibilité de prélever un nombre pertinent, du point de vue clinique, de cellules CD34+ en utilisant le plérixafor et le G-CSF, deux médicaments qui mobilisent les CSH. Le CD34 est un marqueur bien connu des cellules progénitrices issues de la moelle osseuse, notamment des CSH. Ensuite, les chercheurs ont développé une procédure optimisée pour corriger les cellules CD34+ mobilisées du sang périphérique issues des patients du groupe FA-A grâce à la transduction avec des vecteurs lentiviraux. Il s’agit d’une méthode de thérapie génique qui permet l’insertion de gènes thérapeutiques mutés dans un patient donné. «En utilisant une méthode optimisée de transduction pour les CSH d’AF, nous avons prouvé la capacité de repeuplement et l’avantage de prolifération des CSH corrigées lorsqu’elles sont transplantées dans des souris immunodéficientes», explique le Dr Bueren. Les chercheurs ont enfin mené un essai de thérapie génique destiné aux patients du groupe FA-A et fondé sur la transduction de cellules CD34+ mobilisées par plérixafor/G-CSF à l’aide du vecteur thérapeutique. Ils ont ensuite administré une perfusion de ces cellules à des patients n’ayant pas fait l’objet d’un conditionnement. Une nouvelle voie qui s’ouvre Malgré l’absence de conditionnement, on a observé une prise de greffe progressive des cellules corrigées génétiquement chez la plupart des patients. Chez un des patients, qui a fait l’objet du suivi le plus long (30 mois après la perfusion), le pourcentage de cellules corrigées génétiquement dans le sang et la moelle osseuse avait dépassé 50 %. Chez les patients avec des taux relativement élevés de cellules corrigées, il a été possible d’observer une nette correction du comportement des cellules progénitrices et des lymphocytes T de la moelle osseuse. Les chercheurs ont également constaté une tendance à l’amélioration de l’insuffisance médullaire chez ces patients. Surtout, aucune preuve d’insertions génotoxiques n’a été signalée chez les patients traités. «Ces essais ont montré la faisabilité de la greffe de cellules corrigées phénotypiquement sur des patients, ouvrant ainsi la voie à l’utilisation de la thérapie génique chez les patients atteints d’AF», ajoute le Dr Bueren. Actuellement, les chercheurs travaillent sur l’inscription d’un nouveau médicament composé de cellules autologues CD34+ corrigées génétiquement pour les patients atteints d’AF.
Mots‑clés
EuroFancoLen, thérapie génique, anémie de Fanconi (AF), cellules souches hématopoïétiques (CSH)