Selon une étude, les bactéries fixatrices de N2 peuvent lutter contre la désoxygénation de l’eau
La désoxygénation des océans est une conséquence largement débattue du changement climatique. Mais l’évolution de son bilan d’azote est tout aussi importante. D’une part, l’azote est contenu dans les excréments, les engrais et les combustibles fossiles: il finit sa course dans les rivières et les océans, il nourrit les algues et, lorsque ces dernières meurent et coulent, elles épuisent l’oxygène de l’eau. Mais d’autre part, l’azote nourrit le phytoplancton qui joue ainsi un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire des océans. La Dre Carolin Löscher, professeure adjointe à l’Université du Danemark du Sud et coordinatrice du projet NITROX (Nitrogen regeneration under changing oxygen conditions), estime que l’étude de quelques bactéries capables de fixer le diazote (N2) est l’une des clés pour comprendre l’évolution des océans: «Il reste encore beaucoup de choses à apprendre sur ces bactéries, sur leur contribution au “bilan azote” des océans, et sur la manière dont elles fournissent aux algues des ressources en azote». Alors que les chercheurs pensaient que ces fixateurs de N2 ne se trouvaient que dans des eaux de surface dépourvues de nutriments, elle a découvert des preuves en 2014 qu’ils étaient également présents dans des eaux profondes pauvres en oxygène au Pérou. «Je pensais que la fixation de N2 jouait en réalité un rôle important dans le contrôle du taux de désoxygénation des eaux des zone de minimum d’oxygène. Cela signifierait que ce qui contrôle la fixation de N2 dans ces eaux pourrait également contrôler la désoxygénation des océans», explique la Dre Löscher. À travers le projet NITROX, la Dre Löscher entendait vérifier cette hypothèse. Elle a entrepris d’identifier les microbes impliqués dans la fixation du N2 dans les zones de minimum d’oxygène (OMZ) avec des méthodes génétiques moléculaires spéciales, de mesurer son étendue, et elle a examiné sa régulation et sa réponse à la perte d’oxygène. «Peut-être que notre découverte la plus importante a été une rétrorégulation entre la fixation de N2, la production primaire par les algues et les cyanobactéries, et leur dégradation après leur mort et leur disparition des eaux de surface», explique la Dre Löscher. «En d’autres termes, les conditions pauvres en oxygène favorisent la fixation de N2, ce qui permet aux algues de se développer et entraîne la désoxygénation.» En principe, ce processus provoquerait l’expansion continue des eaux pauvres en oxygène. Mais ce n’est pas le cas, comme le démontre NITROX: l’anoxie extrême due à la production de sulfure d’hydrogène stoppe en réalité la fixation de N2 et, donc, sa production. «Par conséquent, plus aucun matériau organique n’est produit ni exporté, et la consommation d’oxygène dans les eaux plus profondes diminue. Il s’agit de la première preuve d’un cycle de rétroaction mené par les bactéries, qui peut contrecarrer l’une des conséquences du changement climatique, à savoir la désoxygénation des océans», s’enthousiasme la Dre Löscher. L’existence d’un tel mécanisme, capable de contrer le changement climatique, modifie la donne et montre une fois de plus la capacité de la planète à s’autoréguler. Même s’il n’élimine pas les effets du changement climatique induit par l’homme, la Dre Löscher estime qu’il peut être révélateur. Bien que le projet NITROX soit désormais terminé, la Dre Löscher entend poursuivre ses recherches en se concentrant sur d’autres régions OMZ. «J’aimerais vérifier s’il peut s’agir d’un phénomène global ou général. En outre, j’ai trouvé des indications de deux autres boucles de rétroaction microbienne qui atténueraient l’expansion des OMZ, et je proposerai un projet à grande échelle sur le pouvoir combiné de ces boucles de rétroaction sous la forme d’un projet de subvention de démarrage du CER», conclut-elle.
Mots‑clés
NITROX, algues, azote, désoxygénation, changement climatique, bactéries, fixateurs de N2, diazote