Une nouvelle étude lève le voile sur le comportement des rayons cosmiques dans l’héliosphère
Découverts pour la première fois en 1912 par le physicien Victor Hess après un vol en montgolfière à haute altitude, les rayons cosmiques bombardent en permanence l’atmosphère terrestre, produisant des averses de particules secondaires qui atteignent parfois même la surface de la Terre. Les rayons cosmiques sont surtout constitués de particules de haute énergie comme des protons ou des électrons. Grâce à des mesures détaillées et continues des rayons cosmiques, les chercheurs sont maintenant capables d’observer que le flux de rayons cosmiques varie sur des échelles de temps relativement courtes. Autant en emporte le vent solaire En se déplaçant à l’intérieur de l’héliosphère – une région de l’espace en forme de bulle dominée par le Soleil, qui contient également le système solaire – les rayons cosmiques sont déviés et ralentis par les champs magnétiques turbulents du Soleil ainsi que par le vent solaire sortant. Ces boucliers intégrés fournis par le Soleil diminuent le flux de rayons cosmiques atteignant la Terre. «Il ne s’agit toutefois pas d’un bouclier immuable. Au lieu de cela, il évolue périodiquement avec les variations se produisant au cours des 11 ans du cycle d’activité magnétique du Soleil. Le changement visible du flux de rayons cosmiques en fonction de l’activité magnétique du Soleil est connu sous le nom de modulation solaire du flux de rayons cosmiques sur Terre», note la professeure Bruna Bertucci, responsable des bourses de recherche individuelles Marie Skłodowska-Curie financées par l’UE dans le cadre du projet MAtISSE. Les chercheurs ont modélisé la modulation solaire afin de mieux comprendre le processus par lequel les changements au niveau de l’activité du Soleil influencent le flux de rayons cosmiques qui atteint la Terre. Dépasser les limitations habituelles Les chercheurs ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à la mise en place d’un cadre général permettant d’interpréter différents types de données qui sont habituellement analysées séparément en physique. «Nous pensons que les progrès dans le domaine de la modulation solaire reposent essentiellement sur la fusion des compétences issues de différentes disciplines. Les différentes activités de terrain comprennent des mesures directes sur les particules de haute énergie collectées dans l’espace, des taux de comptage obtenus à partir de moniteurs à neutrons au sol et des observations de l’activité magnétique du Soleil effectuées par des sondes spatiales ou des observatoires solaires», souligne la professeure Bertucci. Pendant longtemps, l’étude du phénomène de modulation solaire a été limitée par la rareté des données relatives aux rayons cosmiques. «Actuellement, le spectromètre magnétique Alpha (AMS) – un module d’expérimentation en physique des particules monté sur la Station spatiale internationale, qui est resté à l’écoute des salves de rayons cosmiques au cours des sept dernières années – offre aux chercheurs la possibilité de faire des progrès significatifs dans ce domaine», note la professeure Bertucci. Les données de l’AMS sont très appréciées car elles mesurent avec précision le comportement de toutes les espèces de rayons cosmiques sur une large plage d’énergie et sur une période de temps prolongée. Avant son installation, les chercheurs devaient s’appuyer sur des ensembles de données couvrant peu d’espèces de particules, présentant des taux d’erreur plus élevés et qui étaient limités en énergie ou dans le temps, voire les deux. Des comportements complexes en fonction du temps En collaboration avec des chercheurs travaillant sur l’AMS, MAtISSE a contribué à la mesure des variations temporelles des flux de protons, d’hélium, d’électrons et de positrons dans les rayons cosmiques. Les chercheurs ont déclaré que les densités de flux de protons et d’hélium atteignant la Terre chaque mois augmentaient lorsque l’activité solaire était faible, comme cela a été le cas après le maximum solaire observé en 2014. Si les résultats sont examinés sur une échelle de temps annuelle, le rapport entre les flux de protons et d’hélium montre une remarquable relation à long terme. Ce comportement déroutant reflète les propriétés fondamentales du transport des rayons cosmiques dans l’héliosphère et fait actuellement l’objet d’une enquête plus approfondie. Une protection contre les rayons cosmiques En modélisant les processus de transport de base dans l’héliosphère, l’équipe s’est penchée sur le décalage entre les variations de l’activité solaire et les changements correspondants au niveau du flux de rayons cosmiques mesuré dans l’espace. Ils ont comparé les résultats de leur modèle de modulation des rayons cosmiques à la vaste collection d’observations de flux de protons provenant des rayons cosmiques, au cours du temps. Cette démarche leur a permis de démontrer que la meilleure correspondance avec les données était obtenue avec un décalage de huit mois entre le cycle solaire et les variations du flux de rayons cosmiques. Les résultats du projet sont très importants car une bonne connaissance de l’activité solaire actuelle pourrait nous permettre de prédire avec précision la modulation solaire susceptible de se produire dans huit mois. «Dans le cadre de missions habitées, l’exposition au rayonnement cosmique représente un facteur de risque important, qui doit être traité par le biais d’une approche quantitative. Si ce modèle s’avère correct, il nous permettra à l’avenir de planifier des missions spatiales interplanétaires plus sûres», note la professeure Bertucci.
Mots‑clés
MAtISSE, rayons cosmiques, flux de rayons cosmiques, modulation solaire, héliosphère, spectromètre magnétique Alpha (AMS), activité solaire, vent solaire, astrophysique des hautes énergies, sciences solaires