Un tout petit dispositif quantique pour redéfinir l’ampère
Au cours des dernières décennies, le besoin de disposer de techniques de mesure de plus en plus fiables et précises a rendu nécessaire une redéfinition des normes à partir des quantités fondamentales de la nature. Au sein du projet SINHOPSI, financé par l’UE, des chercheurs de l’Université de Cambridge, du National Physical Laboratory, de l’Université Aalto et de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud ont collaboré pour mettre au point une nouvelle technologie quantique, qui pourrait s’avérer essentielle pour redéfinir les normes relatives au courant électrique sur la base de la charge des électrons. Des démonstrations expérimentales ont permis des avancées à la pointe de la technologie au niveau de la production d’un courant électrique précis et de la télédétection de charge unique. «Les systèmes quantiques sont reconnus comme les outils métrologiques les plus stables et les plus fiables dans la mesure où leur description mathématique s’imbrique étroitement avec les constantes fondamentales de la physique», note le Dr Alessandro Rossi. Pour en finir avec les artefacts physiques Le système international d’unités (SI) définit sept quantités considérées comme les éléments de base de la physique. Ce système évolue et se modifie au fur et à mesure que de nouvelles connaissances et de nouveaux besoins en matière de mesure apparaissent. «La métrologie, ou science des mesures, se trouve actuellement au cœur d’une révolution dont l’aboutissement sera l’ancrage des sept unités de base: le mètre, le kilogramme, la seconde, le kelvin, l’ampère, la mole et la candela, à des constantes invariables de la nature», déclare le Dr Rossi. «La définition de ces unités doit être stable dans la durée, reproductible universellement et ne pas reposer sur des objets dont la forme se modifie, susceptibles de perdre leur intégrité ou de changer de caractéristiques au cours du temps». La plupart des unités de base du SI disposent désormais d’une définition physique claire, comme le mètre, qui est défini par la distance que parcourt la lumière en un temps donné. Cependant, la définition de l’ampère reste relativement instable. Pour le moment, l’ampère est défini comme l’intensité d’un courant constant qui, s’il est maintenu dans deux conducteurs étroits, parallèles, de longueur infinie et distants d’un mètre dans le vide, produit entre ces deux conducteurs une force égale à 2×10–7 newton par mètre. «Cependant, cette formulation vieille de 70 ans est fastidieuse, peu précise et impossible à mettre en place dans une expérience réelle sans accepter des approximations compromettantes», note le Dr Rossi. Un nouveau dispositif qui ressemble à un transistor Pour redéfinir l’ampère, les scientifiques ont donc adopté une nouvelle approche qui repose sur la fabrication de dispositifs électroniques quantiques de dimension nanométrique qui fonctionnent à des températures proches du zéro absolu. Ces dispositifs sont appelés pompes à électron unique (single-electron pumps, SEP) parce qu’ils génèrent précisément un électron à la fois et promettent une précision et une stabilité inégalées dans la génération de courant électrique. Cette technologie permettra de définir l’ampère comme le courant dans le sens du flux d’un certain nombre d’électrons par seconde. Le type le plus fiable de ces dispositifs utilise des boîtes quantiques définies électrostatiquement, qui sont de petites zones d’un matériau semi-conducteur où chaque électron peut être piégé et relâché à volonté. Pour fabriquer les SEP, les scientifiques du projet SINHOPSI ont utilisé des nanotransistors en silicone qui disposent d’un avantage technologique exceptionnel par rapport aux technologies concurrentes. «La nouveauté de ces dispositifs repose sur le fait qu’ils permettent de calibrer soigneusement la dimension de la boîte quantique, ce qui améliore très nettement la précision du courant électrique», explique le Dr Rossi. SINHOPSI a mis au point et testé les SEP parmi les plus précis à ce jour basés sur un dispositif nanoélectronique en silicone. Les scientifiques ont notamment déclaré que ces dispositifs récemment développés étaient trois fois plus précis que ceux qui avaient permis d’établir le record mondial précédent, et sont capables de générer un courant de 0,16x10-9 ampère avec une précision de l’ordre de 0,27 parties par million. «Si l’on considère ce que cela implique au niveau des simples électrons, nous pouvons dire que chaque seconde, nous parvenons à isoler et à transférer 1 milliard d’électrons, avec une marge d’erreur de maximum 270 électrons. Aucun autre système nanoélectronique n’est aussi rapide et précis», souligne le Dr Rossi. Compter les particules d’aérosol Outre les implications considérables qui découlent de la redéfinition de l’ampère, la nouvelle pompe pourrait également s’avérer utile dans un grand nombre de domaines, notamment pour la détermination des niveaux de radioactivité dans les chambres d’ionisation et pour le comptage des particules d’aérosol dans l’air. Dans les deux cas, les sources de courant à référence stable nouvellement développées dans le cadre de SINHOPSI pourraient contribuer à améliorer de manière significative la précision et la disponibilité de la capacité de calibration de courants faibles.
Mots‑clés
SINHOPSI, ampère, pompe à électron unique, courant électrique, charge de l’électron, boîte quantique, mécanique quantique, nanotransistors, silicone, comptage des particules d’aérosol