De nouvelles méthodes de reconstruction 3D apportent des perspectives inédites aux conservateurs du patrimoine
Les scènes à grande échelle du patrimoine culturel ne sont pas juste des «formes» complexes, ce sont des scènes hybrides composées à la fois de formes libres (terrains, arbres) et d’une multitude d’objets qui possèdent des relations structurelles et une signification sémantique (comme les murs, les toits, les façades). Une des catégories de solutions existantes permet de générer des modèles fiables de villes enrichis d’informations structurelles et sémantiques, produisant des niveaux de détails significatifs. Cependant, produire ces modèles de villes requiert de nombreuses opérations de modélisation et de modification, soit une importante quantité de travail afin d’assigner des étiquettes sémantiques aux données, puis de reconstruire. Le projet TITANIUM (Software Components for Robust Geometry Processing) de l’UE s’attaque au problème de la reconstruction 3D et de la simplification des données collectées à partir de mesures géométriques brutes, ainsi qu’aux méthodes de conversion qui y sont liées, spécialement conçues pour la modélisation urbaine en 3D. Les données brutes sont des nuages de points en 3D définis à l’aide de scanners laser ou générés par des algorithmes de photogrammétrie (qui peuvent convertir une série de photos en nuages de points en 3D avec des attributs de couleur). En tant que chercheur principal du projet, le Dr Pierre Alliez, rattaché à l’Institut National de Recherche en Informatique et Automatique (INRIA) en France, explique que «à partir des prototypes d’algorithmes de recherche existants, notre objectif est de développer un démonstrateur de logiciel pour le traitement géométrique et la modélisation urbaine en 3D, afin de faciliter la précommercialisation des nouveaux composants logiciels destinés à la bibliothèque de géométrie algorithmique informatisée». De nouvelles formulations pionnières En ce qui concerne la reconstruction de formes robustes, le Dr Alliez explique que le projet a développé des nouvelles formulations pionnières à partir de la théorie du transport optimal. Cela implique de prendre pour base les mesures géométriques (ensembles de points bruts) en tant que mesures discrètes (distribution des masses). Le problème de la reconstruction est reformulé en tant que problème de transport des masses entre lesdites masses et les surfaces reconstruites. «Les bruits spatialement variables, de plus en plus communs dans les capteurs géométriques à bas coût, sont traités via une nouvelle approche de sélection automatique d’échelle, qui repose sur l’unique hypothèse que les formes inférées sont des variétés de dimension connue.» Le projet a opté pour ces méthodologies parce qu’elles offrent une résilience inégalée aux bruits et aux données aberrantes. En ce qui concerne le problème persistant de l’approximation des formes robustes, TITANIUM a mis au point une nouvelle approche qui permet de réduire la complexité géométrique d’une forme, tout en restant dans un volume de tolérance donné et en fournissant des garanties topologiques. «Cette approche est celle qui illustre le mieux notre objectif initial qui est de définir des méthodes qui peuvent prendre pour base des données pleines d’erreurs et néanmoins fournir des garanties quant aux résultats», explique le Dr Alliez. Et il ajoute: «bien que nos orientations en matière de recherche se cantonnent au domaine des sciences informatiques, nous avons élargi notre approche à des sujets généralement abordés dans le cadre de la robotique et de la vision par ordinateur». Des retombées positives pour la société Les retombées positives du projet incluent la possibilité de mettre en place une conception durable de la ville, dans la mesure ou l’ingénierie informatique s’applique également aux simulations de phénomènes physiques à l’échelle de cités entières. L’impact du démonstrateur proposé sera significatif pour les applications dans lesquelles l’acquisition de données géométriques et leur traitement jouent un rôle central (par exemple les systèmes d’information géographique, ou en ingénierie informatique ou inversée). Le Dr Alliez explique que «nos contacts industriels nous ont signifié que le processus consistant à convertir des données brutes en des modèles sans défauts prêts pour la simulation est, de loin, la partie la plus consommatrice de main d’œuvre du cycle de conception (représentant 85 % du temps passé contre 15 % pour la simulation). Notre démonstrateur a le potentiel de réduire significativement la durée de ce processus, et donc de renforcer la compétitivité économique». Les découvertes du projet peuvent également être intégrées dans les travaux de conservation. La détection et l’application des relations structurelles se traduit par la détection des zones adjacentes et relations canoniques, suivie par leur consolidation obtenue par leur quantification en relations exactes. Les informations structurelles et sémantiques sont alors utilisées pour retrouver des niveaux de détails. «Cela permettrait d’améliorer le processus consistant à scanner soit un site historique soit une collection entière dont les pièces sont potentiellement disséminées», déclare le Dr Alliez. Pour aller plus avant, les résultats du projet TITANIUM peuvent mener au développement des concepts de numérisation collective et de ressources numériques actives. Dans le contexte d’une collaboration multidisciplinaire, l’objectif est de concevoir des systèmes hybrides dans lesquels les communautés (via les réseaux sociaux) et les réseaux de capteurs peuvent coopérer.
Mots‑clés
TITANIUM, reconstruction 3D, conservation du patrimoine, ingénierie informatique, sciences informatiques, modélisation urbaine 3D