Les fibres optiques multicœurs programmables seront prêtes pour diffuser films et musique en streaming dès la fin des années 2020
Le volume de trafic mondial des données traversant les réseaux de fibre optique augmente de plus de 40% par an, les services très gourmands en données comme le streaming audio et vidéo devenant de plus en plus populaires. Pour que les réseaux du futur aient la capacité de faire face à ce trafic de plus en plus important et d’en gérer les applications émergentes qui vont encore l'amplifier - des voitures connectées à la vidéo HD mobile, voire l'Internet des Objets - les technologies qui alimentent ces réseaux optiques longue distance vont avoir besoin d'une sérieuse mise à niveau dès le milieu des années 2020. Pour ce faire, certains travaux ont déjà été menés par les ingénieurs du projet SAFARI, un projet de collaboration entre l'UE et le Japon. Le côté européen du projet était dirigé par le co-coordinateur du projet, Mr Toshio Morioka de l'Université Technique du Danemark, tandis que la partie japonaise était dirigée par l’autre co-coordinateur, le Dr. Yutaka Miyamoto de NTT Corporation à Tokyo. Des torpilles photoniques La métrique principale à l’origine de l’immense besoin d’amélioration des réseaux de transport optique laser (OTN) est le débit de données - c’est à dire, le nombre de bits de données par seconde qu'ils peuvent véhiculer, encodés dans les faisceaux laser. Aujourd’hui, les fibres optiques individuelles permettent de transporter pas moins de plusieurs dizaines de térabits par seconde - mais cela ne suffira pas. «Pour répondre aux énormes besoins de capacité qui se présenteront dans le futur, nous aurons besoin de réseaux de transport d’une capacité bien supérieure, avec des fibres dont la vitesse devrait évoluer jusqu’au pétabit par seconde», explique ainsi Mr. Morioka. Pour ce faire, les partenaires du projet SAFARI ont innové sur plusieurs fronts, que ce soit en termes de contrôle global du réseau et des composants porteurs de lumière ou pour produire des blocs de construction des futurs OTN pouvant augmenter leur vitesse de 10^13 (dizaines de térabits) à 10^15 (pétabytes) par seconde. Le développement de fibres optiques multiconductrices super denses avec 30, 32 ou 37 noyaux porteurs de lumière à l'intérieur plutôt qu’un seul noyau comme aujourd'hui constitue l’une des premières innovations du projet. Pour obtenir ce nombre record de cœurs, nous explique Mr Morioka, les chercheurs ont dû trouver un moyen d'arrêter la diffusion de la lumière d'un noyau à l'autre et donc de provoquer des interférences avec un impact négatif sur la bande passante. «Ces fibres sont ainsi capables de supprimer très fortement le couplage parasite», nous dit-il. Dans la matrice En parcourant des distances importantes supérieures à 1000 km, la lumière voyageant dans cette matrice complexe de noyaux, perd de sa puissance et doit être amplifiée à intervalles réguliers. Pour ce faire, l'équipe du projet a développé des amplificateurs de fibres optiques multicœurs, à base d'erbium et d'ytterbium, qui peuvent être raccordés directement à la nouvelle fibre multicœur, permettant ainsi une transmission dont les pertes sont compensées sur de longues distances. «Nous avons battu le record du nombre de noyaux et permis une réduction de la consommation d'énergie des amplificateurs optiques en ligne, améliorant ainsi l'efficacité énergétique des futurs réseaux de transport optique», affirme ainsi Mr. Morioka. La solution ne réside pas seulement dans le guide d’ondes pourtant : pour répondre à une demande croissante, les opérateurs télécoms doivent pouvoir allouer les ressources réseaux supplémentaires de manière dynamique tout en maintenant leur qualité, par exemple, lorsqu’un pays entier veut regarder le dernier épisode de Game Of Thrones en streaming vidéo. NTT a donc développé un matériel optique programmable permettant la construction de réseaux optiques flexibles, évolutifs et adaptatifs. Une lumière programmable Les chercheurs SAFARI ont développé et construit un banc d'essai qui permet, sous contrôle logiciel, d’additionner, de bloquer; d’autoriser le passage ou de rediriger les faisceaux lumineux dans le réseau optique. Ce réseau programmable «peut être contrôlé et géré de manière adaptative par une entité centrale en réponse aux demandes réelles du trafic», explique ainsi Mr. Morioka. La programmabilité de l'OTN a également été testée dans des expériences conçues pour garantir son adaptabilité aux besoins de la transmission par fibre multicœur des réseaux du futur. SAFARI n'étant pas configuré pour un déploiement avant le milieu des années 2020, aucune commercialisation immédiate de la technologie n'est prévue pour l’instant. Mais grâce à ce projet de recherche, les télécoms européens et japonais seront prêtes le moment venu. «Le projet SAFARI nous apporte une technologie de pointe, des démonstrateurs de réseau et des expériences systèmes de premier ordre au niveau mondial ainsi qu’une propriété intellectuelle commune et des partenariats qui dureront longtemps dans le futur», conclut enfin le Dr. Morioka.
Mots‑clés
SAFARI, transport optique, réseaux évolutifs, applications gourmandes en bande passante, optique programmable, fibre dense multicœur, Amazon, Spotify, Netflix, streaming