Une description holographique de la gravité
Lorsque le Dr Manuela Kulaxizi a débuté ses travaux en 2015, en tant que post-doctorante à l'école de mathématiques du Trinity College Dublin, elle voulait étudier et éclaircir des aspects quantiques de la correspondance AdS/CFT comme l'émergence de l'espace-temps et de la gravité, le tout dans un contexte contrôlé. Pour cela, elle a étudié l'intrication et les fonctions de corrélation CFT pour de grandes valeurs de N. Ces travaux sont hautement théoriques, mais ils posent les bases d'études de trous noirs : « Les idées actuelles sur la théorie des cordes et la gravité nous laissent à penser que la théorie quantique de la gravité est 'holographique' », expose le Dr Kulaxizi. « Il pourrait donc exister une description de la physique de la gravité basée sur une théorie quantique totalement différence, un peu comme celle qui décrit la liaison des quarks et des gluons dans le noyau des atomes, mais avec une dimension de moins. Il s'agit de la description holographique de la gravité, ce qui est l'objet de mes travaux. » La méthode appliquée a été de considérer une théorie de champ conforme (CFT, une théorie quantique ordinaire dotée d'une invariance conforme), et d'étudier les conditions dans lesquelles elle peut conduire à une autre description en termes de gravité. « Le nombre supplémentaire de symétries rend cette théorie bien plus attrayante que les théories classiques de champ quantique », souligne le Dr Kulaxizi. L'équipe s'est intéressée à une catégorie de CFT susceptibles d'avoir une description gravitationnelle, en vue de calculer certaines fonctions de corrélation en quatre points pour ces CFT. Ces fonctions de corrélation devaient apporter une la description dual/holographique de la 'diffusion des particules dans la gravité'. L'équipe a appliqué une simplification des calculs, visant une limite spéciale correspondant à la diffusion de particules très rapides, et à l'obligation du caractère unitaire pour le résultat de leur fonction de corrélation, ce qui a permis de faire émerger la gravité des calculs. Le Dr Kulaxizi explique le cadre expérimental : « La théorie de la gravité d'Einstein prévoit qu'avec une certaine approximation, lorsque deux particules très rapides entrent en collision, elles continuent leur trajet quasiment sans perturbation, sauf par l'acquisition d'un retard. Nos travaux décrivent comment obtenir exactement la même expression pour le retard, et avec la même physique, mais en termes d'une quantité radicalement différence, définie naturellement dans la description holographique de la gravité.» Les particules très rapides ont un effet intéressant sur l'espace environnant : elles engendrent une courbure non-triviale, nommée 'géométrie d'onde de choc'. Les résultats du projet éclaircissent la façon d'obtenir la description de l'espace-temps autour d'un objet très rapide, à l'aide de notions et de quantités découlant naturellement de la description holographique de la gravité. En particulier, la fonction métrique de la géométrie d'onde de choc a été identifiée dans le bloc conformal du tenseur de contrainte, pour une limite spéciale (celle de Regge). « Plus important encore, nous avons montré explicitement qu'une certaine catégorie de théories ordinaires de champ quantique, les théories conformes, ont une description équivalente en termes d'une théorie particulière de la gravité, celle d'Einstein. Nous avons par exemple montré qu'avec certaines hypothèses, la théorie contient des particules d'un spin maximal égal à 2 et dont les propriétés correspondant à celles du graviton. Nous avons aussi montré que d'autres théories de la gravité, comme celle de Lanczos-Gauss-Bonnet, ne peuvent découler d'une CFT homogène », souligne le Dr Kulaxizi. Le Dr Kulaxizi espère que ces travaux ne sont que le début d'une longue série d'étapes en vue d'éclaircir certains des mystères de la gravité quantique et de la physique des trous noirs.
Mots‑clés
QEAH, holographie, relativité, physique quantique, AdS/CFT, théorie de champ conforme, CFT, trou noir, gravité