Des antennes nanophotoniques dévoilent les mécanismes de la maladie à l'échelle nanométrique
L'observation des processus biologiques à l'œuvre dans la cellule vivante est un peu le Saint Graal des biologistes moléculaires et cellulaires. Ces processus, qui impliquent des interactions entre les molécules à l'échelle nanométrique, sont très difficiles à observer avec les technologies d'imagerie actuelles, et il en est de même des interactions entre les protéines, acides nucléiques et enzymes. «On peut donner de nombreux exemples des limites des technologies actuelles», déclare le Dr Maria Garcia-Parajo, coordinatrice du projet NANO-VISTA (Advanced photonic antenna tools for biosensing and cellular nanoimaging) et chef de groupe chez ICFO en Espagne. «Par exemple, nous avons une connaissance limitée de la façon dont les récepteurs s'organisent dans la membrane cellulaire. Il s'agit d'une question extrêmement importante car les cellules de notre corps communiquent les unes avec les autres, ainsi qu'avec le milieu extracellulaire, grâce à une multitude de récepteurs exprimés sur la surface cellulaire, ce qui leur permet d'accomplir des fonctions spécialisées.» On a également la preuve que des modifications aberrantes de l'organisation et de la dynamique des récepteurs de la surface cellulaire sont la source d'un très grand nombre de maladies comme le cancer, les maladies neurologiques et neurodégénératives, les maladies auto-immunes et des infections pathogènes. «Pour visualiser en temps réel les évènements se déroulant à l'échelle nanométrique et à différentes échelles temporelles, il faut des techniques d'imagerie ayant une résolution extrêmement élevée», poursuit le Dr Garcia-Parajo. Une sorte de super-résolution. Le Dr Garcia-Parajo et son équipe estiment que la solution se trouve dans les nano-antennes photoniques, qui sont des points brillants nanométriques pouvant être utilisés pour imager un échantillon à une échelle d'environ 20 nm, ainsi que pour examiner les interactions entre molécules. Ces nano-antennes ne constituent pas le seul moyen de parvenir à la super-résolution, mais les autres formes de microscopie à super-résolution reposent sur des marqueurs fluorescents très spécifiques. Elles ne sont donc pas utilisables pour l'ensemble des applications biologiques, une limitation qu'ignorent les antennes photoniques. Ces antennes peuvent d'autre part être utilisées en combinaison avec d'autres techniques comme la spectroscopie de corrélation par fluorescence, afin de fournir une résolution temporelle de l'ordre de la microseconde. Même si la physique des nano-antennes était déjà bien maîtrisée, NANO-VISTA constitue le premier essai réussi pour les utiliser dans le domaine de la biologie, grâce à des concepts innovants. Le Dr Garcia-Parajo détaille le processus qui a conduit à cette avancée: «Nous avons identifié de nouvelles voies de fabrication de réseaux d'antennes de grande taille afin de pouvoir interroger plusieurs cellules à l'échelle nanométrique en composant avec leur hétérogénéité inhérente. Nous l'avons fait tout en cherchant à concevoir des dispositifs offrant une reproductibilité élevée des performances optiques des antennes, présentant l'évolutivité requise pour fabriquer des milliers d'antennes sur un substrat unique, réutilisable et peu coûteux. Enfin, nous avons combiné ces nanostructures avec de nouvelles formes de spectroscopie par fluorescence afin de fournir une résolution extrêmement élevée, non seulement spatiale mais également temporelle.» Les résultats des démonstrations effectuées dans le cadre du projet ont été exceptionnels. L'équipe a en particulier démontré la détection de biomolécules isolées (ADN et différentes protéines) dans des volumes d'éclairage de quelques zeptolitres, et augmenté le signal de fluorescence de molécules individuelles par des facteurs 105 fois supérieurs à l'émission d'une molécule isolée excitée par une illumination confocale traditionnelle. Elle a également révélé un couplage excitonique dans des complexes récolteurs de lumière individuels, et collaboré avec des immunologues pour mieux comprendre les processus d'adhésion et de migration des cellules immunitaires. Plusieurs collaborations ont déjà débuté avec des acteurs industriels internationaux majeurs, principalement aux États-Unis, en Inde, au Royaume-Uni et en Espagne. En ligne de mire: l'exploitation de la technologie NANO-VISTA pour la biologie de la membrane cellulaire et la signalisation cellulaire, l'intégration dans les microscopes standard ou les plateformes de criblage à haut débit pour tester rapidement des anticorps spécifiques, les interactions entre les ligands ou même des médicaments. Des produits secondaires sont préparés en vue d'une commercialisation, mais la mise sur le marché de l'ensemble des résultats du projet pose encore un certain nombre de problèmes. «Le consortium NANO-VISTA est très actif», s'enthousiasme le Dr Garcia Parajo. «NANO-VISTA a apporté les moyens de faire des observations à l'échelle nanométrique avec une résolution temporelle de l'ordre de la microseconde. Maintenant, nous devons relier ces informations avec l'imagerie à l'échelle micro et moyenne sur des cellules isolées et des populations de cellules. Nous espérons que de nouvelles sources de financement de la Commission européenne permettront que ce rêve devienne réalité.»
Mots‑clés
NANO-VISTA, photonique, nano-antenne, molécules, cellule vivante, nano-imagerie, microscopie, biotechnologie, spectroscopie, antennes photoniques, nanostructure