COMAN+ fait passer les interactions homme-robot au niveau supérieur
Jouer au ballon et déplacer des meubles donnent a priori l’impression d’être deux tâches complètement différentes, mais elles ont quelques points communs. Tout d’abord, elles sont plus faciles à effectuer ensemble. Par ailleurs, ces tâches apparemment peu exigeantes nécessitent en réalité une combinaison subtile de force, de modération et de synchronisation. Essayez de jouer au ballon ou de déplacer une table avec un robot, et vous verrez à quel point c’est difficile. Il existe pourtant un robot humanoïde qui pourrait bientôt surmonter cette difficulté. COMAN+, une évolution de l’humanoïde COMAN développé dans le cadre du projet AMARSi du 7e PC, est présenté par ses créateurs comme un humanoïde robuste et polyvalent, meilleur marché et capable d’exécuter des tâches courantes. Le professeur Dr. Jochen Steil, coordinateur de CogIMon (Cognitive Interaction in Motion), nous parle des résultats les plus importants du projet peu avant qu’il n’arrive à son terme, en mai. Quels types de comportements humains collaboratifs avez-vous cherché à reproduire dans le cadre de ce projet et à quelle fin? Nous nous sommes concentrés sur les comportements nécessitant une compréhension des forces appliquées et sur les communications implicites dont ils ont besoin. Il s’agit notamment de la manipulation conjointe d’objets (transporter des tables, soulever des objets lourds à plusieurs) ou les lancers et réceptions mutuels, les forces étant estimées à partir du mouvement dans ce type de situation. Un autre exemple est le couplage de force des joysticks dans un jeu, où les joueurs apprennent implicitement les uns des autres par le biais d’une communication basée sur la force. Comment la maîtrise de ces comportements pourrait-elle changer la donne pour l’industrie? Comprendre les forces est fondamental pour les systèmes d’assistants robotiques physiques, qui assistent activement l’homme en régulant leur force en fonction des capacités humaines et de la tâche à accomplir. Il ne s’agit pas de se contenter d’utiliser la souplesse du robot uniquement pour des questions de sécurité: cela permet une action plus sophistiquée et plus conviviale, ce qui s’avérera indispensable pour les prochaines générations de dispositifs d’assistance robotique. Les forces appliquées par les humains présentent de grandes variations, même en ce qui concerne des tâches répétitives. Ainsi, un contrôleur «universel» ne fera pas l’affaire en termes d’interaction physique. Les robots d’assistance devront contrôler activement leur force pour une interaction fluide, ergonomique et efficace. Pourquoi vous êtes-vous concentré spécifiquement sur le robot COMAN? La recherche humanoïde est le décathlon de la robotique: elle nécessite d’intégrer des éléments provenant de nombreux domaines ainsi que des expertises variées pour relever un grand défi technologique et scientifique qui promet des progrès majeurs. Il s’agit d’un domaine fascinant et exigeant qui attire naturellement de nombreux chercheurs de haut niveau et qui nécessite des efforts communs, notamment dans le cadre d’initiatives financées par l’UE. COMAN constitue l’une de ces réussites européennes dont le développement a été largement financé par les cadres de recherche de l’UE. Il dispose d’un système de contrôle de couple et comporte des ressorts à l’intérieur de son corps, ce qui lui permet d’agir en toute sécurité lors des interactions homme-robot et de réguler activement la souplesse de l’ensemble de son corps. Il est l’un des premiers et des meilleurs robots humanoïdes à y parvenir, grâce à sa technologie d’actionnement avancée. Cette aventure se poursuit chez CogIMon avec le développement de COMAN+, la prochaine génération de robots humanoïdes, appelés à être plus robustes, moins chers, polyvalents et capables d’exécuter des tâches courantes. Selon vous, quelles ont été les réussites les plus importantes du projet? Il y a eu des accomplissements scientifiques et technologiques. Sur le plan scientifique, CogIMon a fait évoluer notre compréhension actuelle de l’interaction humaine en mouvement, qui est essentiellement menée par nos partenaires en science du mouvement humain. Cela a conduit à élaborer de nouveaux modèles sur la façon dont les humains apprennent à contrôler les forces en interaction, qui sont désormais également implémentés dans les contrôleurs de robots. Par ailleurs, cela a aussi fait progresser, de manière significative, l’état de l’art en matière de contrôle souple pour les systèmes humanoïdes multi-bras et multi-jambes. Sur le plan technologique, le robot humanoïde COMAN+, qui franchit un palier supplémentaire, renforce la position de leader mondial de la recherche européenne dans le développement d’actionneurs à impédance variable et de robots humanoïdes souples. Nous avons également développé des outils d’ingénierie pour la simulation et le contrôle de tels robots et les avons mis à disposition en open source. Pour finir, nous avons créé la technologie permettant de faire fonctionner les contrôleurs de robot en réalité virtuelle (RV) et d’ouvrir de nouvelles voies aux applications de réalité mixte. Comment avez-vous procédé pour la démonstration de ces technologies? CogIMon a procédé à la première démonstration au cours de laquelle deux robots humanoïdes ont transporté des objets ensemble. Le projet a également montré comment quatre bras de robot souples pouvaient collaborer pour soulever et déplacer un objet lourd en interagissant avec un humain, a mis au point de nouvelles méthodes de capture pour des robots souples et a créé des pièces qui ont été finalistes, à deux reprises, pour le Kuka Innovation Award au salon de Hanovre. Enfin, nous avons développé une application très prometteuse en physiothérapie, où la RV et le contrôle de robot sont combinés afin de permettre aux patients de s’entraîner à attraper des balles. Nous allons présenter COMAN+ ainsi que ces applications au public et à la communauté scientifique lors du prochain salon ICRA. Quels ont été jusqu’ici les retours du secteur industriel? L’essentiel du travail de CogIMon est plutôt de nature fondamentale et nos robots humanoïdes sont encore loin de pouvoir être employés pour des applications industrielles. Beaucoup d’intérêt a été manifesté, mais il y a peu de retours directs sur des cas d’utilisation concrets. Notre participation, couronnée de succès, aux prix d’innovation et la démonstration d’algorithmes avancés pour le contrôle de la souplesse ont toutefois suscité beaucoup d’attention. Les unités d’actionnement développées pour COMAN+ sont actuellement commercialisées et les premières études d’évaluation avec de vrais patients sont en cours pour notre application en physiothérapie. L’approche dite de réalité mixte RV-robotique a également donné lieu à une nouvelle collaboration avec une PME. Quels sont vos plans pour la suite? Nous allons nous concentrer sur les applications dans le domaine des soins de santé et de la physiothérapie, ainsi que sur l’ergonomie, afin de développer davantage la combinaison entre la RV et la robotique et permettre une interaction physique sûre pour les séances d’entraînement. Cela nécessite de nouvelles avancées, aussi bien au niveau du matériel que des outils d’ingénierie, afin de permettre un développement d’applications plus cohérent et systématique, tout en conservant une certaine flexibilité. Les études de suivi porteront également sur les applications multi-robots, ainsi que sur le contrôle des robots humanoïdes au cours des tâches courantes. Le décathlon de la robotique humanoïde va certainement se poursuivre dans les années à venir.
Pays
Allemagne