Comment la modification de la vitesse des étoiles a généré les planètes les plus semblables à la Terre jamais observées
Une initiative conjointe entre l’Europe et les États-Unis, ETAEARTH (Measuring Eta_Earth: Characterization of Terrestrial Planetary Systems with Kepler, HARPS-N, and Gaia), a été chargée de mesurer les masses dynamiques des planètes telluriques candidates découvertes par la mission Kepler. Le projet, responsable de la plupart des découvertes de planètes semblables à la Terre au cours des cinq dernières années, a dépassé toutes les attentes. Le Dr Alessandro Sozzetti, coordinateur du projet et chercheur à l’Institut national d’astrophysique en Italie, discute des résultats du projet. Beaucoup de recherches en cours sont consacrées aux planètes similaires à la Terre. Qu’est-ce qui distingue ETAEARTH? Au cours des cinq années du projet, ETAEARTH a combiné la précision photométrique fantastique des missions Kepler et K2 de la NASA avec la qualité inégalée des mesures de vitesse radiale au sol du spectrographe HARPS-N installé sur le Telescopio Nazionale Galileo (TNG) italien aux Îles Canaries. L’objectif était de déterminer les propriétés physiques des planètes terrestres hors systèmes solaires en orbite autour d’étoiles de taille similaire ou inférieure à celle du Soleil, avec une précision sans précédent. Les scientifiques d’ETAEARTH avaient un avantage considérable sur les autres équipes de recherche, car nous avions accès à un remarquable programme d’observation du temps garanti (GTO) avec HARPS-N@TNG, pour un total de 400 nuits d’observation sur cinq ans. Un tel investissement en temps de télescope a été la clé des succès spectaculaires du projet. Quelle est la valeur ajoutée de la combinaison de KEPLER et des données de HARPS-N? Kepler et K2 exploitent la technique des transits planétaires: Ils mesurent la baisse de luminosité d’une étoile lorsqu’une planète passe devant elle, révélant la taille de la planète. HARPS-N, d’autre part, mesure les changements de vitesse de l’étoile dus à l’attraction gravitationnelle d’une planète en orbite, ce qui nous permet de déterminer sa masse. En combinant ces deux observations, nous pouvons calculer la densité de la planète et déterminer sa composition de base (par exemple, roche, eau, gaz, etc.) avec une grande précision. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre méthodologie? ETAEARTH a soigneusement sélectionné les exoplanètes candidates de petit rayon de Kepler et K2 en fonction de leurs chances de mesurer précisément leurs masses avec HARPS-N. Nous avons ensuite conçu des stratégies d’observation adaptatives adaptées à chaque système en fonction, par exemple, de l’amplitude du signal recherché avec HARPS-N et de la période orbitale du candidat. Une fois la campagne d’observation achevée, nous avons déterminé avec précision les paramètres physiques fondamentaux de l’étoile centrale, c’est-à-dire sa masse et son rayon, car seule une connaissance précise de ces valeurs nous permet d’obtenir des estimations précises des paramètres planétaires. L’étape suivante de note méthode consistait en une analyse combinée sophistiquée des données Kepler/K2 et HARPS-N disponibles pour dériver tous les paramètres orbitaux et physiques du système (pour les planètes à transits unique et multiples). Enfin, nos mesures des densités planétaires ont été comparées aux prédictions théoriques pour étayer la composition réelle de la (des) planète(s). Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées dans ce processus et comment les avez-vous surmontées? Le plus grand défi auquel nous avons dû faire face est celui de l’activité stellaire. Ce phénomène, produit principalement par des taches à la surface de l’étoile qui apparaissent et disparaissent au gré de sa rotation (comme notre Soleil), introduit des complications dans l’interprétation des données – en particulier celles recueillies avec HARPS-N. Cela peut parfois masquer entièrement ou même imiter un signal planétaire. Vous pensez observer une planète, mais vous mesurez en fait avec précision l’action de l’étoile! Les débuts ont été difficiles, mais nous avons finalement réussi en utilisant une double approche: Nous avons dans un premier temps adapté nos stratégies d’observation avec HARPS-N pour être certains de pouvoir bien échantillonner les signaux stellaires et planétaires. Avec la meilleure distribution temporelle possible de nos observations, nous avons ensuite développé des outils d’analyse sophistiqués qui nous ont permis de démêler efficacement les signaux planétaires de ceux produits par l’activité stellaire. Selon vous, quelles ont été vos plus importantes découvertes? Nous avons pu apprendre pour la première fois les propriétés physiques de l’intérieur de ces objets. Nous avons notamment déterminé avec une grande précision (20 % ou mieux) la composition de 70 % des planètes actuellement connues qui affichent des masses comprises entre une et six fois celle de la Terre et une composition rocheuse similaire à celle de la Terre. Parmi celles-ci, nous avons découvert Kepler-78b, le premier objet planétaire doté d’une masse, d’un rayon et d’une densité similaires à ceux de la Terre. Nous avons également débusqué les deux planètes rocheuses les plus proches, en orbite autour de l’étoile HD219134 à seulement 21 années-lumière. Cet échantillon en or de planètes aux paramètres bien contraints nous a permis de déduire que toutes les planètes denses ayant des masses inférieures à six fois la Terre (y compris la Terre et Vénus) sont bien décrites par la même composition rocheuse (en termes techniques, le même rapport fixe de silicate de fer et silicate de magnésium). ETAEARTH fournit les toutes premières contraintes sur la densité de K2-3d, une planète dans un système à transits multiples dont la masse et l’orbite sont semblables à la Terre dans la zone habitable de l’étoile connue à ce jour pour être la plus proche en masse au soleil. K2-3d semble appartenir à la classe encore insaisissable des «mondes d’eau», avec une densité quelque peu inférieure à celle de la Terre. Enfin, en utilisant les informations de l’ensemble des objets célestes découverts par Kepler, nous avons déterminé qu’une étoile sur cinq héberge une planète semblable à la Terre, c’est-à-dire un objet de taille semblable à la Terre en orbite dans la zone habitable de son étoile de type Soleil. Quels sont vos plans de suivi, le cas échéant? Nos projets post-ETAEARTH se concentreront principalement sur l’exploitation du potentiel énorme qui est sur le point d’être libéré par le nouvel acteur important dans le domaine des exoplanètes, la mission TESS de la NASA lancée avec succès il y a quelques semaines. TESS débusquera des planètes en transit sur la plus grande partie du ciel observable avec des rayons à peine plus grands que ceux de la Terre, et autour d’étoiles typiquement cinq à dix fois plus brillantes que celles observées par Kepler. Certaines de ces petites planètes seront en orbite à des distances de la zone habitable de leurs étoiles centrales (généralement de masse inférieure à celle du Soleil). Nous prévoyons d’investir de grandes quantités de ressources d’observation des deux hémisphères tout en continuant à utiliser HARPS-N et le nouveau chasseur de planète européen ultra-précis ESPRESSO installé sur le très grand télescope dans les Andes chiliennes afin de mesurer les masses et les densités des meilleures candidates fournies par TESS. Cela pourrait augmenter considérablement l’échantillon de cibles optimales pouvant être étudiées pour leurs atmosphères.
Pays
Italie