Tendances scientifiques: Comment contrefaire l'argent quantique
Il est clair que les technologies quantiques sont en vogue dans les milieux scientifiques et technologiques. La théorie devient réalité, et ces technologies étonnantes devraient transformer nos sociétés au cours des prochaines décennies. Les technologies de demain Comme le fait remarquer la dernière édition du magazine «The Economist»: «Un bonnet de bain capable d'observer chaque neurone de celui qui le porte et qui permet aux autres de connaître ses pensées. Un capteur en mesure de repérer les sous-marins nucléaires en plongée. Un ordinateur capable de découvrir de nouveaux médicaments, de révolutionner les opérations boursières et de concevoir de nouveaux matériaux. Un réseau mondial de liaisons de communications dont la sécurité est garantie par des lois physiques inviolables. C'est tout cela, et bien plus encore, que nous promettent les technologies quantiques.» L'UE suit elle aussi la tendance quantique: avec un financement de l'ordre de 550 millions d'euros par le biais d'Horizon 2020, son objectif est de maintenir la position de l'Europe parmi les principales puissances mondiales pour la recherche quantique (pour en savoir plus sur les efforts de l'UE dans ce domaine, voir Results Pack CORDIS sur les technologies quantiques). Par ailleurs, comme pour toutes les technologies en cours de développement, les scientifiques devront non seulement mettre en avant ce qui fonctionne, mais aussi trouver des solutions aux faiblesses existantes. C'est exactement ce qu'a fait une équipe de scientifiques polonais et tchèques. Après avoir développé ce qui devait constituer, en théorie, un «argent quantique» ultra-sécurisé, ils ont immédiatement identifié une faille sérieuse l'exposant à un risque de falsification. Cette recherche a fait l'objet d'une publication dans la revue «npj Quantum Information». Comment falsifier l'infalsifiable Dans des conditions idéales, il est impossible de contrefaire l'argent quantique. Mais la réalité étant chaotique, un faussaire disposant d'un équipement sophistiqué pourrait contourner cette sécurité quantique si les banques ne prennent pas les précautions nécessaires. Formulé par Stephen Wiesner, alors étudiant diplômé de l'Université Columbia, le concept d'argent quantique existe depuis les années 1970. Mais c'est la première fois que quelqu'un crée et contrefait de l'argent quantique. Au lieu d'être en papier ou en plastique, le substrat des billets créés par les chercheurs était basé sur la lumière. Pour transférer des fonds, une série de photons est transmise à une banque en utilisant les polarisations des photons, l'orientation de leurs ondes électromagnétiques, afin de coder l'information. Pour illustrer leur technique de façon amusante, les chercheurs ont transmis l'image pixellisée d'un billet de banque, un vieux billet d'un schilling autrichien d'avant l'euro, en utilisant les polarisations des photons pour représenter les nuances en niveaux de gris. Dans un système d'argent quantique réel, chaque billet serait différent et les polarisations des photons seraient distribuées de façon aléatoire, plutôt que pour former une image. Les polarisations créeraient un code semblable à un numéro de série, que la banque pourrait vérifier pour contrôler que les fonds sont légitimes. Fondamentalement, un criminel interceptant ces photons ne pourrait pas les copier avec précision car les informations quantiques ne peuvent pas être parfaitement dupliquées. «Il s'agit vraiment de la pierre angulaire de la sécurité de l'argent quantique», déclare Karel Lemr, de l'Université Palacký d'Olomouc en République tchèque, co-auteur de l'étude. Cependant, le système ne serait pas aussi sûr qu'il n'y paraît au premier abord. Durant la transmission, il arrive fréquemment que des photons se perdent ou deviennent illisibles, et les banques doivent donc accepter des billets quantiques fragmentaires, un peu comme un billet de banque auquel il manquerait un coin. Cela donne l'occasion aux criminels de faire des faux qui, sans être parfaits, sont suffisamment bons pour être validés par la banque. Pour tenter de réaliser un faux, M. Lemr et ses collègues ont utilisé un cloneur optimal, un appareil qui se rapproche autant que possible de la copie d'informations quantiques (la technologie permettant de lancer un système monétaire réel basé sur les technologies quantiques n'existe pas encore physiquement). L'équipe a montré qu'une banque accepterait un faux billet si la norme de précision n'était pas assez élevée: plus de 84 % des polarisations des photons reçues doivent correspondre à l'original. En marche! Auparavant, cette vulnérabilité «n'était pas explicitement soulignée, mais elle n'est pas surprenante», déclare le chercheur en informatique théorique Thomas Vidick de Caltech, qui n'a pas participé au projet. Le résultat, précise-t-il, indique que la banque doit s'imposer des normes assez rigoureuses pour prouver que les billets qu'elle reçoit sont vrais. Cette expérience met non seulement en évidence l'extraordinaire potentiel des technologies quantiques, mais elle souligne également les considérables défis qu'il faut encore surmonter pour garantir leur sécurité. Ce problème ne se limite pas au concept d'argent quantique, il concerne également un grand nombre de technologies révolutionnaires résultant de la maîtrise de la mécanique quantique. Cependant, comme le résume «The Economist», les problèmes qui subsistent sont essentiellement d'ordre technique et non scientifique, et le formidable potentiel des technologies quantiques est encore largement inexploité.
Pays
Tchéquie, Pologne