Tendances scientifiques: Des mathématiciens ébahis de constater une régularité dans les nombres premiers «aléatoires»
Un nombre premier n'est divisible que par lui-même et par 1. Tous les autres nombres sont divisibles par plusieurs nombres premiers, car ils sont tous obtenus en multipliant des nombres premiers. L'étude des nombres premiers est donc essentielle pour comprendre les bases de l'arithmétique. La découverte Pour être premier, un nombre doit déjà se terminer par 1, 3, 7 ou 9 afin de ne pas être divisible par 2 ni 5 (sauf 2 et 5 qui sont premiers). En supposant que les nombres premiers se présentent de manière aléatoire, comme on le pense depuis longtemps, le dernier chiffre d'un nombre premier ne devrait pas avoir d'influence sur celui du nombre premier suivant. Chacun des chiffres 1, 3, 7 ou 9 devrait donc avoir la même probabilité (25 %) de se retrouver à la fin du nombre premier suivant. Kannan Soundararajan et Robert Lemke Oliver, mathématiciens à l'université de Stanford, ont conçu un programme informatique pour étudier les premiers 400 milliards de nombres premiers. Ils ont ainsi constaté qu'un nombre premier se terminant par 1 avait moins de chances d'être suivi par un autre nombre premier se terminant aussi par 1. Ce qui ne devrait pas être le cas si l'organisation des nombres premiers était réellement aléatoire. Les deux chercheurs ont constaté que la probabilité qu'un nombre premier se terminant par 1 soit suivi par un autre nombre premier se terminant aussi par 1 n'était que de 18,5 %, ce qui est notablement inférieur aux 25 % attendus. Ils ont aussi constaté que des nombres premiers finissant par 3 étaient plus souvent suivis par un nombre premier se terminant par 9 que par 1 ou 7. Expliquer la «conspiration des nombres premiers» Les deux chercheurs estiment avoir une explication de ces résultats, qui représentent ce que l'on appelle désormais la «conspiration des nombres premiers». La plupart des travaux modernes sur les nombres premiers s'appuient sur ceux de deux mathématiciens de l'université de Cambridge, au début du vingtième siècle: G. H. Hardy et John Littlewood. Ils ont conçu une méthode pour estimer la probabilité d'apparition de paires, de triplets et de groupes plus grands de nombres premiers, la «conjecture k-tuple». Tout comme la théorie de la relativité d'Albert Einstein est une évolution par rapport à la théorie de la gravité d'Isaac Newton, la conjecture k-tuple est une version plus complexe de l'hypothèse que les nombres premiers se présentent de manière aléatoire. Les résultats démontrent que ces deux hypothèses diffèrent. Les chercheurs de Stanford ont utilisé les travaux de Hardy et de Littlewood pour montrer que les groupes découlant de la conjecture sont responsables de la distribution du dernier chiffre des nombres premiers, car ils imposent des contraintes sur ce chiffre. Cependant, les deux chercheurs soulignent que les nombres premiers s'étendent jusqu'à l'infini, il est donc possible que cette distribution du dernier chiffre cède la place à un état plus aléatoire. Le professeur Soundararajan commentait dans le New Scientist: «C'était très étrange… C'est un peu comme si soudain vous discerniez un visage nouveau dans une peinture que vous connaissez bien.» Et la suite? Ces nouveaux résultats n'auront pas d'impact immédiat sur des problèmes concernant les nombres premiers depuis longtemps, comme la conjecture des nombres premiers jumeaux (qui suppose un nombre infini de nombres premiers qui ne diffèrent que par deux unités, comme 3 et 5 ou 5 et 7), ou l'hypothèse de Riemann. Cependant, ces résultats ont été un véritable choc pour le domaine des nombres premiers. «C'était renversant… Je dois repenser mon cours de théorie analytique des nombres», déclarait au Quanta Magazine Ken Ono, théoricien des nombres à l'université Emory d'Atlanta, aux États-Unis.
Pays
États-Unis