Évaluer la qualité de l'eau à l'aide de la fluorescence
La plupart des produits chimiques présents dans l'eau réagissent à la lumière, aussi la spectroscopie par fluorescence pourrait apporter rapidement et efficacement des informations sur la qualité d'un prélèvement d'eaux usées après traitement. Le projet FLUORO-BOOST étudie le potentiel de cette technique pour améliorer le rendement énergétique du traitement des eaux usées. Grâce à un investissement de 14,3 milliards d'euros de 2007 à 2013, et à des actions légales dynamiques, l'UE a notablement amélioré la collecte et le traitement des eaux usées. Mais le fait de traiter de plus grands volumes, et d'améliorer sans cesse la qualité finale, sollicite fortement les techniques actuelles, ce qui augmente la consommation d'énergie. Rien que l'aération des dépôts dans le «procédé à boues activées» représente plus de la moitié du coût de l'énergie nécessaire au traitement des eaux usées. Plus encore, le contrôle de la qualité peut encore être largement amélioré. Selon le Dr Elfrida Carstea de l'université de Birmingham, qui a cherché une solution à ces deux problèmes durant le projet FLUORO-BOOST (Fluorescence-Based Optimisation Of Sewage Treatment), financé par l'UE, les méthodes actuelles de vérification de la conformité ont plusieurs inconvénients. Au lieu de la technique classique qui consiste à surveiller le potentiel d'extraction de l'oxygène de l'eau par des bactéries aérobies hétérotrophes, le Dr Carstea propose d'appliquer les récents progrès réalisés en spectroscopie par fluorescence pour optimiser les performances du traitement des eaux usées. Le projet approche de son terme, et elle a bien voulu évoquer certains de ses résultats. Selon vous, quels sont les principaux inconvénients des méthodes actuelles de traitement des eaux usées? Le traitement des eaux usées est un beau succès d'ingénierie, et les techniques utilisées sont très efficaces pour réduire la charge organique des eaux usées. Et avec les ingénieurs à l'œuvre, les processus ne feront que s'améliorer. Les problèmes ne viennent donc pas du processus de traitement, mais des méthodes de contrôle de la qualité. Pour vérifier le respect de la législation, on utilise principalement le test de 'demande biologique en oxygène à 5 jours' (DBO5). Ce test est défini par le potentiel d'extraction de l'oxygène de l'eau par des bactéries aérobies hétérotrophes, qui utilisent la matière organique présente pour leur métabolisme et leur multiplication. C'est une mesure souhaitable du processus de traitement, mais elle présente plusieurs inconvénients qui la rendent inadaptée pour la surveillance en ligne et le contrôle de processus: les résultats demandent du temps et du travail, la présence de substances toxiques affecte les bactéries, il peut ne pas refléter les conditions du traitement, il est peu sensible et imprécis à faibles concentrations, et la précision des résultats ne dépasse guère les 15 à 20 %. Tous ces problèmes conduisent souvent à sur-traiter les eaux usées pour s'assurer de respecter les réglementations. En revanche, notre projet s'appuie sur les tous derniers progrès en matière de spectroscopie par fluorescence. Pourquoi ce choix? Nos travaux sont basés sur des études préliminaires du professeur John Bridgman et de ses collègues, publiées dans la revue Environmental Technologie. Elles concernaient l'utilisation de la fluorescence pendant le traitement des eaux usées. Ces études ont montré que la technique pouvait servir pour une caractérisation et une surveillance en ligne. Plusieurs études précédentes avaient soutenu l'adéquation potentielle de cette technique, mais peu ciblaient la surveillance des eaux usées, et aucune les mesures en temps réel. La spectroscopie par fluorescence présente en effet plusieurs avantages: elle est rapide, économique, se passe de réactifs, requiert un minimum de préparation des prélèvements, est très sensible et non invasive. Elle pourrait donc apporter un retour rapide et autoriser des études dynamiques avec une résolution spatiale et temporelle élevée. Nos travaux s'appuient également sur des études qui ont testé l'utilisation de la fluorescence pour les eaux de surface et potables, et conduit à un progrès majeur dans le développement de nouvelles techniques pour appliquer la fluorescence à la surveillance de la qualité des eaux usées. Quelles furent les principales difficultés que vous avez rencontrées pour appliquer cette nouvelle technique? Plutôt que des difficultés, je parlerai de défis. Par exemple, il s'est avéré plus difficile que prévu d'établir la relation entre la fluorescence et les données de DBO5. Nous avons aussi obtenu des résultats surprenants, soulevant plus de questions qu'ils n'apportaient de réponses. Cependant, ceci nous aidera à mieux comprendre le potentiel de la spectroscopie par fluorescence pour remplacer le test DBO5 comme outil efficace de contrôle du traitement. Comment votre méthode peut-elle réduire la consommation d'énergie du traitement des eaux usées? La majeure partie de la consommation d'énergie du traitement des eaux usées résulte de l'aération vigoureuse des dépôts dans le processus à boues activées. Les bactéries et les micro-organismes qui forment la boue activée sont alimentés par les déchets organiques contenus dans les eaux usées. De l'air est injecté dans les réservoirs pour apporter assez d'oxygène dissous et soutenir l'activité biologique de la boue activée. Cette aération consomme près de 65 % de l'énergie du traitement par boues activées. La consommation d'énergie a notablement augmenté au cours des 20 dernières années, et une augmentation de 60 % est prévue pour les 10 à 15 ans qui viennent. Ces augmentations résultent principalement des législations et réglementations plus strictes concernant le déversement des effluents terminaux dans les cours d'eau. Le fait de remplacer le vieux test DBO5 avec la spectroscopie par fluorescence apportera l'outil optimal pour contrôler en temps réel les performances de la station d'épuration et remédier à toute défaillance. On estime que la surveillance de la qualité pendant le traitement pourrait faire économiser 40 % des coûts actuels en énergie. La fluorescence pourrait donc servir à optimiser le contrôle du processus et à éliminer les coûts inutiles du sur-traitement. La spectroscopie par fluorescence convient-elle aussi pour l'eau potable? Oui, la technique est adaptée à la surveillance du traitement de l'eau potable. Plusieurs études ont démontré son potentiel. Une étude publiée très récemment dans Science of the Total Environnement par le professeur Bridgeman et ses collègues, décrit un instrument à LED mis au point par les auteurs aux universités de Birmingham et de Sheffield. Cet instrument peut détecter les pics de fluorescence T et C in situ, dans le réseau de distribution de l'eau potable. Le groupe de recherche a montré que ces pics sont d'un grand intérêt. Le pic C est indicatif du carbone organique dissous dans l'eau, et le pic T identifie tout développement de microbes, consécutif à la présence de carbone organique dissous et à une concentration résiduelle insuffisante en chlore. Le projet touche à sa fin. Quelles sont les prochaines étapes de vos travaux? Les travaux pour appliquer la spectroscopie par fluorescence à la surveillance en temps réel des stations de traitement vont se poursuivre par des études conjointes et des collaborations avec de grands scientifiques de ce domaine. En outre, nous avons récemment commencé à utiliser diverses techniques, dont la spectroscopie par fluorescence, pour étudier le devenir des nanoparticules dans les eaux usées traitées. J'espère continuer dans cette voie dans un futur proche. Quand pensez-vous que la spectroscopie par fluorescence sera adoptée par les stations d'épuration? La technique est déjà sur le marché. La nouveauté de notre approche c'est son utilisation pour des mesures sur site, en temps réel. La technique n'en est qu'à ses débuts, mais elle est très prometteuse pour contrôler les processus et réduire l'énergie consommée par le traitement. Pour plus d'informations, veuillez consulter: FLUORO-BOOST http://cordis.europa.eu/project/rcn/109162_fr.html
Pays
Royaume-Uni