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Entretien
Contenu archivé le 2024-04-18

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Des capteurs d'images qui se comportent comme les rétines biologiques

Le projet SEEBETTER a cherché à mieux comprendre la vision rétinienne et à mettre au point des techniques performantes susceptibles d'avoir un impact sur les prothèses rétiniennes.

Depuis l'invention de la chambre noire et l'avènement de la photographie au XIXe siècle, les scientifiques sont fascinés par les capteurs de lumière qui saisissent le monde qui nous entoure tel qu'il est perçu par une machine fabriquée par l'homme. Ces derniers temps, l'attention s'est focalisée sur les capteurs d'images de type CCD ou CMOS. Ces appareils de pointe peuvent convertir les images optiques en signaux électroniques, et sont utilisés dans des secteurs comme la santé, l'automobile, les médias ou la sécurité. Selon un rapport récent de MarketsandMarkets, le marché des capteurs d'images représentera dans les 13,24 milliards d'euros d'ici 2020. La course aux parts de marché a conduit à des progrès considérables en termes de taille et de densité de pixel, de résolution et de performances, mais le chemin est encore long avant que ces capteurs rivalisent avec les rétines biologiques. Le projet SEEBETTER («Seeing Better with Hybrid BSI Spatio-Temporal Silicon Retina») est parti de l'idée que ces technologies de capteurs sont en fait entravées par la façon dont elles produisent des séquences redondantes d'images, avec une fréquence limitée. Sous la direction de l'IMEC, le consortium a consacré les trois dernières années à essayer de surmonter ce problème en «réalisant une rétine perfectionnée sur silicium avec le rendement quantique et le traitement spatio-temporel des rétines biologiques». Il a donc étudié les rôles de diverses cellules ganglionnaires de la rétine, afin de mieux comprendre la vision, puis il a essayé de reproduire la capacité de la rétine à générer des données en fonction de l'évolution de l'éclairement reçu. David San Segundo Bello, le coordinateur du projet, a bien voulu discuter de l'avancement du projet SEEBETTER, de ses avantages et de ses inconvénients, et de ses utilisations potentielles, notamment pour les prothèses rétiniennes. Quel est le principal objectif du projet? Le projet SEEBETTER a quatre objectifs: mieux comprendre le rôle fonctionnel des principales catégories de cellules ganglionnaires de la rétine; modéliser de manière mathématique et informatique la vision rétinienne du point de vue de la biologie, de la vision par machine et des futures prothèses rétiniennes; concevoir et fabriquer une rétine hautes performances sur silicium, constituée d'un ensemble hétérogène de pixels spécialement adapté au traitement visuel spatial et temporel; utiliser le traitement arrière du silicium pour améliorer la sensibilité du capteur. Chacun des partenaires du projet est un expert dans l'un de ces quatre domaines. Récemment, la vision artificielle progresse. Selon vous, quels sont les principaux avantages de votre système par rapport aux solutions actuelles? Pour commencer, il convient de faite attention à la nomenclature. Notre rétine sur silicium est un capteur d'images qui fonctionne de manière similaire aux rétines biologiques. Elle est donc très différente d'une rétine en silicium implantée chez un patient en tant que prothèse rétinienne. Même si notre «capteur rétinien sur silicium» pourrait servir de rétine «artificielle» implantable, notre projet ne vise pas directement ce domaine. Toutefois, dans ce scénario, le principal avantage viendrait du fait que le capteur fonctionne de la même façon que la rétine biologique et pourrait donc être plus facile à implanter sur le nerf optique. Mais ceci est une pure spéculation et sort largement de mon domaine d'expertise. Si par «vision artificielle» vous faites référence à l'utilisation de capteurs d'images pour la «vision par ordinateur», le principal avantage de notre capteur réside dans sa plage dynamique supérieure à celle des capteurs traditionnels. Concrètement, la plage dynamique d'un capteur d'images correspond à l'écart entre la quantité minimale de lumière pouvant être détectée avant d'atteindre le bruit de fond du système, et la quantité maximale de lumière avant la saturation d'un pixel. Dans un capteur standard, l'augmentation de la plage dynamique demande beaucoup d'efforts ainsi que des compromis au niveau du photodétecteur, de l'électronique de lecture des pixels et du contrôle des pixels. Dans notre capteur, la principale limitation est liée à la quantité d'impulsions pouvant être traitées, c'est-à-dire la vitesse de l'électronique. De plus, aucune donnée n'est générée lorsque la scène ne change pas, ce qui diminue la consommation d'énergie et le débit des données, ce qui pourrait être utile dans de nombreux cas.Comment fonctionne une rétine en silicium?Le fonctionnement d'un capteur rétinien en silicium est totalement différent des capteurs d'image CCD ou CMOS. Ces derniers génèrent des signaux proportionnels à la quantité de lumière qui arrive sur chacun de leurs pixels. L'information est donc l'amplitude du signal des pixels, qui sont actifs et envoient les données à intervalles réguliers en fonction de la fréquence des images et la durée de l'exposition. Les informations utiles seront extraites des valeurs des pixels pour chaque image ou trame. Au contraire, notre système est basé sur le principe d'un capteur dynamique de vision (Dynamic vision sensor, DVS), inspiré du fonctionnement des rétines biologiques. Au lieu de générer des valeurs proportionnelles à la quantité de lumière, chaque pixel est sensible à l'évolution temporelle de cette quantité de lumière. Les données générées sont des impulsions numériques asynchrones, et l'information réside dans la durée entre les impulsions. Par exemple, un changement lent de la quantité de lumière reçue par un pixel générera des impulsions sur un rythme plus lent que si le changement était rapide. En l'absence de modification de la scène observée par le capteur, aucune impulsion n'est générée. Dans quelle mesure estimez-vous que ces capteurs sont proches des rétines biologiques? Bien entendu, les rétines biologiques sont plus complexes, avec plusieurs types de cellules (les pixels) qui communiquent avec leurs voisines. Ces propriétés seraient très complexes à réaliser avec la technologie CMOS standard, voire impossibles. Dans le cadre de notre projet, nous ajoutons quelques fonctionnalités aux pixels par rapport aux capteurs rétiniens sur silicium, mais c'est une amélioration limitée. Nous sommes néanmoins convaincus que cette fonctionnalité, aussi limitée soit-elle par rapport aux vraies rétines, sera très utile dans de nombreux cas. Bien évidemment l'ajout de ces fonctions a un coût, en termes de taille des pixels: il exige un pas de 10 à 20 micromètres selon le nœud technologique et les fonctions ajoutées. Par comparaison, les capteurs d'images actuels ont des pixels de 2 à 5 micromètres, et certains constructeurs proposent déjà des pas très proche du micromètre. Quelle est à ce jour votre découverte la plus révolutionnaire durant ces travaux? Notre partenaire en biologie, le Friedrich Miescher Institute, a sans conteste obtenu les résultats les plus visibles en améliorant notre compréhension du fonctionnement des cônes dans la rétine. Ses travaux ont conduit à plusieurs publications dans des revues de grand renom comme Science and Cell. Concernant le capteur lui-même, l'université de Zurich a effectué la démonstration du premier capteur rétinien sur silicium avec des pixels 'standard', capable d'un traitement visuel plus complexe qui élargit l'utilité de ces capteurs. L'Imperial College a réalisé un émulateur matériel d'un capteur rétinien en utilisant des caméras du commerce. Enfin, l'IMEC a mis au point et implémenté un traitement du silicium en face arrière qui peut servir pour produire des capteurs d'image en grande quantité. Où en êtes-vous de la production de rétines en silicium à haute performance? Nous fabriquons nos capteurs avec un fondeur majeur du secteur. Si le capteur devait être utilisé en grande quantité, quasiment toutes les pièces seraient en place pour une production adéquate. Quelles sont les prochaines étapes du projet et avez-vous envisagé un suivi après son achèvement? Nous sommes dans les derniers mois du projet. L'appareil a déjà été construit et les tests ont commencé. Le consortium actuel ne compte pas poursuivre après ce projet, mais tous ses membres continueront de travailler en se basant sur les technologies développées et sur les découvertes faites en cours d'activité. Pour de plus amples informations, veuillez consulter: SEEBETTER http://projects.imec.be/seebetter

Pays

Belgique